S’il y a bien eu un temps où le rallye a suscité beaucoup d’engouement, c’était dans les années 1980. Cela s’est plus précisément passé après la mise en vigueur du Groupe B, le remplaçant du fameux Groupe 4. Cette catégorie était la crème de la crème du Championnat du monde des Rallyes. La passion pour la vitesse et l’innovation se hissait à son plus haut niveau à l’époque.
En dépit de toutes les fascinations qu’il engendrait, une série d’évènements tragiques a entaché les courses du Groupe B. Son héritage continue néanmoins de captiver et d’inspirer les véritables passionnés du rallye. Faisons un petit retour sur cette période marquante et mythique de l’histoire de rallye.
Sommaire :
Groupe B, quand l’innovation et la compétition se rencontrent
Dans les années 1970, tous les constructeurs engagés dans le WRC se réunissaient dans le groupe 4. Celui-ci étant la catégorie phare du Championnat de Rallye. Pour y participer, les véhicules doivent être des modèles de série, produits à 500 exemplaires sur une période de 12 mois. À cela s’ajoutent les règlements techniques, qui rendaient les courses moins passionnantes.
Plus d’un se montrait réticent à participer à cette discipline, qu’ils jugeaient déjà comme modeste. Ce qui n’était pas le cas chez Lancia, la première marque qui s’est engagée dans ce sport auto. Le fabricant italien développait la Stratos, une voiture de rallye qu’il a homologué pour la route.
La domination de Lancia au WRC de 1974 à 1976 a fait que la FISA voulait attirer d’autres constructeurs. Le seul moyen d’y parvenir est de changer le système de réglementation. Les groupes numéraires sont abandonnés au profit des groupes de lettres à partir de 1982. D’où l’apparition du Groupe B qui devait suppléer le célèbre Groupe 4.
Pour accélérer la conception des voitures de rallye tout en réduisant les coûts, les 500 unités n’avaient plus besoin d’être produites. 200 modèles de série suffiront pour s’engager dans la discipline. Par ailleurs, il n’y avait presque plus d’exigence sur la puissance, les transmissions, les pneus, le moteur… Disons que les fabricants ont reçu le feu vert total pour tous leurs projets. Ils disposent même d’une période de cinq ans pour préparer une nouvelle génération de voiture de course.
Malgré les modifications apportées aux règlements, certains constructeurs hésitaient encore à rejoindre le Groupe B pour des raisons financières. La fédération confirma en réponse qu’aucun changement n’aura lieu avant au moins cinq ans. Chacun s’efforçait d’innover pour remporter la course.
1983, Audi avec son Quattro brillait de mille feux
Le Groupe B a dû voir son véritable lancement en 1983. La compétition féroce entre Lancia et Audi a d’ailleurs marqué cette année-là. Si la marque italienne s’appuyait sur la propulsion, la firme d’Ingolstadt détonnait avec son système innovant à quatre roues motrices. Sur une piste sèche, la Lancia 037 rivalisait sans difficulté avec l’Audi Quattro. C’est dans les terrains boueux que l’Italienne a peu de chance de devancer l’Allemande.
Attirés par la souplesse du nouveau règlement, d’autres constructeurs entraient dans le Championnat du monde des Rallyes. Opel engageait la Manta B 400 au lieu de l’Ascona 400. Toyota a rejoint la course avec sa Celia TCT. Pendant ce temps, Renault et Nissan apparaissaient irrégulièrement.
En dépit de l’intérêt grandissant des fabricants, le titre se disputait tout de même entre Audi et Lancia. La firme de Turin mettait tout en œuvre pour accumuler plus de points possibles. Grâce à ses efforts, combinés aux performances légendaires de Walter Röhrl, leurs pilotes de l’époque, la Lancia 037 remportait une trentaine de victoires en 1983. C’est l’écurie italienne qui devient vainqueur de la Coupe des constructeurs, malgré l’excellence d’Audi dans certaines étapes. Néanmoins, l’entreprise allemande a eu le titre du champion du monde de pilote grâce à Hannu Mikkola. Cette vidéo résumera rapidement cette catégorie :
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1984, la montée en puissance de Peugeot
Pas très satisfaite des résultats, la marque aux anneaux présentait en 1984 l’Audi Sport Quattro. Il s’agit d’une version améliorée de l’ancien modèle. Avec 450 chevaux, une transmission intégrale à quatre roues motrices et un turbo, c’était l’arme ultime du constructeur allemand.
Cette voiture absolument incroyable permettait à Audi de triompher sur toute la ligne. Le fabricant allemand devenait alors champion du monde des constructeurs pour cette saison. Et Stig Blomqvist remportait le titre champion du côté des pilotes. C’était une victoire bien méritée, grâce aux performances remarquables de l’Audi Sport Quattro.
À la fin de cette même année, l’entrée en force de Peugeot dans la course a suscité de nombreux engouements. Au volant du fameux Peugeot 205 turbo 16, Ari Vatanen a gagné trois sur les quatre dernières courses. La marque au lion se hissait déjà dans la liste favorite des spectateurs pour la prochaine saison.
Découvrez la Peugeot 205 T16 rapidement dans ce clip :
1985, la période la plus folle du Groupe B
Tout au long de la saison 1985, le Groupe B se voit enfin une concurrence à la hauteur de la discipline. Les constructeurs s’apprêtaient à tout pour gagner, quitte à repousser encore plus loin les limites. On voyait à cette époque des voitures déballant jusqu’à 600 chevaux. Accélérer de 0 à 100 km/h prenait un peu plus de deux secondes. Les quatre roues motrices se normalisent enfin. Des véhicules hyper puissants se glissaient sur la route comme un boulet de canon.
Ils étaient cependant plus dangereux, bien que la réglementation du groupe B imposât l’utilisation des arceaux de sécurité. Les matériaux de construction et leur résistance n’étant pas définis. Si certains véhicules se fiaient aux arceaux creux en aluminium, la Lancia Delta S4 se contentait d’un modèle en carton.
L’enthousiasme des constructeurs, des pilotes et des spectateurs eux-mêmes a fait du groupe B un véritable succès. Le spectacle était au rendez-vous, tout comme le voulait la Fédération internationale du sport automobile (FIA). Au fur et à mesure, ça s’est allé trop loin, provoquant plusieurs accidents en 1985. L’insouciance du Groupe B a fait qu’Attilio Bettega décède durant le Rallye en Corse. Le pilote italien a perdu le contrôle de son Lancia S4. La voiture s’est même brisée en deux après avoir dévalé des centaines de mètres.
À chaque tour, des milliers de personnes se tenaient sur la piste, attendant le passage de leurs équipes préférées. Courant à des vitesses incroyables sur un terrain peu adhérent, les pilotes passaient à quelques centimètres de la foule. Certains spectateurs tentaient même de s’approcher le plus possible des voitures qui circulaient, tout en espérant les toucher. Aussi dangereux qu’il soit ce jeu, des individus se faisaient arracher les doigts, les mains et même les pieds.
N’empêche, la course s’est tenue et Peugeot devança Audi en remportant le titre du champion du monde des constructeurs.
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1986, la fin tragique du Groupe B
Au fil des années, les voitures engagées devenaient plus puissantes. Les gens s’approchaient de plus en plus de la piste. Ce n’était qu’une question de temps avant que le décès du public ait lieu.
Durant le Rallye du Portugal, des centaines de milliers de spectateurs s’amassaient sur le bord de la route. Joaquim Santos, à bord de sa Ford RS200, a manqué un virage et fini par percuter quelques personnes. Trois personnes sont mortes et plus de trente sont blessés.
En réponse, les conducteurs s’unissaient et se mettaient en grève pour protester contre le manque de sécurité. C’était aussi un moyen pour eux d’exprimer leurs inquiétudes quant aux conditions périlleuses des courses. Le public qui se met de plus en plus proche de la piste. Sans aucune réaction de la part de la Fédération, Audi s’est retirée du championnat pour faire plus de pressions.
Un autre drame s’est passé durant la même saison, causant ainsi la mort de deux légendes. Durant le Rallye de Corse, Henri Toivonen et Sergio Cresto ont quitté la route et se sont jetés dans un ravin. La Lancia S4 s’écrasait avant de s’enflammer avec les deux pilotes à bord. C’était la goutte de trop, faisant déborder la vase pour la Fédération. Cette dernière annonça quelques jours plus tard la fin du Groupe B à l’issue de la saison 1986.
Juha Kankunnen et Peugeot remportent donc les derniers titres de champions du monde de cet âge d’or du rallye.
Une histoire qui ne s’oublie jamais
La FISA voulait remplacer le Groupe B par le Groupe S, une catégorie qui aurait introduit des véhicules produisant jusqu’à 1000 chevaux. Le projet n’a cependant pas pu voir le jour suite aux tragédies successives.
Cette fin n’arrête pas l’ambition dévorante des constructeurs, qui cherchaient d’autres disciplines souples pouvant accueillir leurs bolides. L’Audi Sport Quattro et la Peugeot 205 Turbos T6 ont atterri aux États-Unis pour la fameuse discipline américaine, Pike Peak. Ils se retrouvent donc dans une compétition féroce en 1987, soit une année après la fin du Groupe B.
Le groupe B n’a certes duré que quatre ans, mais il a laissé une trace indélébile dans la mémoire des passionnées. Plus de trois décennies se sont écoulées après sa disparition, mais il continue de nous captiver. Beaucoup décrivent même cette courte période comme « l’âge d’or » du sport auto dans son ensemble. Pour preuve, un film documentaire sur le Groupe B est sorti en 2016, portant le titre de Groupe B : l’âge d’or du Rallye.