Stellantis traverse une crise qui ébranle son positionnement sur le marché automobile mondial. Après une décennie marquée par des succès retentissants sous la direction de Carlos Tavares, le groupe fait face à des défis majeurs. Baisse des ventes, tensions sociales, et problèmes techniques ont conduit à une situation critique. Ces difficultés ont culminé avec le départ précipité de son PDG, autrefois considéré comme un leader visionnaire. Quels sont donc les éléments déclencheurs de cette crise chez Stellantis ? C’est ce que nous allons voir dans cet article.
Sommaire :
Quelles sont les origines de la crise chez Stellantis ?
La situation actuelle de Stellantis est le fruit de multiples facteurs interconnectés, à la fois internes et externes. D’un côté, la fusion entre PSA et FCA a engendré des défis structurels considérables. Cette union visait à renforcer la puissance et la diversité du groupe. Cependant, les divergences culturelles et organisationnelles entre les marques européennes et américaines ont freiné son intégration. Par ailleurs, la gestion de cette fusion a posé de nombreux défis. En effet, Stellantis regroupe 14 marques réparties sur plusieurs continents, ce qui rend les opérations particulièrement complexes.
La stratégie de Carlos Tavares, axée sur des réductions de coûts drastiques et l’optimisation des marges, a toujours porté ses fruits. Du moins, jusqu’à ce qu’elle finisse par montrer ses limites. À force de couper dans les dépenses, l’innovation a été mise à mal, et des problèmes de qualité sont apparus. Les retards dans le lancement de modèles stratégiques, comme la Citroën C3 électrique, ont nui à l’image de Stellantis. À cela s’ajoutent les rappels massifs liés aux airbags Takata et aux moteurs PureTech, qui ont encore davantage affecté sa réputation.
À ces difficultés internes viennent se greffer des pressions externes de plus en plus intenses. La montée en puissance des constructeurs chinois sur le marché des véhicules électriques exerce une forte concurrence. Parallèlement, la demande ralentit en Amérique du Nord et en Europe, créant un contexte économique défavorable. Cette combinaison place Stellantis dans une position fragile. Ses prix élevés peinent à séduire face à des alternatives plus accessibles et mieux adaptées aux attentes des consommateurs.
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Comment la crise de Stellantis se manifeste-t-elle ?
Les indicateurs financiers en chute libre
La crise se reflète d’abord dans les résultats financiers. En 2024, Stellantis a vu son bénéfice net chuter de 48 %. Parallèlement, les ventes ont baissé de 27 % en Europe et de 36 % en Amérique du Nord. Cette situation a provoqué une perte de confiance des investisseurs. La chute de 60 % de l’action en Bourse depuis le début de l’année n’a fait qu’aggraver les choses.
Pour tenter de redresser la barre, le groupe multinational a drastiquement réduit ses livraisons de 20 % au troisième trimestre 2024. Cette stratégie avait pour objectif de réduire les stocks invendus. En particulier en Amérique du Nord, où les concessionnaires peinent à écouler leurs véhicules. Cependant, cette décision souligne davantage les faiblesses structurelles du groupe.
Rappels massifs : un impact désastreux sur l’image et les finances
Les rappels massifs de véhicules constituent une autre facette préoccupante de cette crise chez Stellantis. La firme a dû rappeler des millions de voitures en raison de problèmes techniques graves, notamment liés aux airbags Takata et aux moteurs PureTech. Ces problèmes techniques ont provoqué un mécontentement grandissant chez les clients. Ils ont également terni la réputation des marques européennes du groupe, comme Peugeot et Citroën.
Les coûts liés à ces rappels, combinés à l’impact négatif sur l’image du groupe, aggravent une situation déjà fragile.
Des produits marqués par des problèmes de qualité
La crise a également mis en lumière des failles dans les processus de développement des nouveaux modèles. Des véhicules comme la Citroën C3 électrique et la Peugeot 3008 reçoivent des critiqués pour leur finition inaboutie et leurs bugs logiciels. Ces défauts résultent d’un lancement précipité. Ils illustrent une gestion trop axée sur la rentabilité à court terme, négligeant la satisfaction client.
Ci-dessous, un extrait de la crise des moteurs PureTech :
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Les grèves aux États-Unis et en Italie : un autre signe d’alarme ?
Les tensions sociales au sein de Stellantis constituent un autre volet crucial de cette crise. Ces grèves, en partie provoquées par les décisions stratégiques de Carlos Tavares, illustrent le mécontentement croissant des employés. Leur impact est significatif. D’une part, ils ont ralenti la production, entraînant des pertes financières importantes. D’autre part, ces mouvements ont amplifié la pression sur le conseil d’administration. Ce dernier se voit désormais contraint de revoir sa stratégie et d’adopter des mesures pour apaiser ces conflits.
Les grèves aux États-Unis : le poids des suppressions d’emplois
Aux États-Unis, Stellantis a affronté de nombreuses grèves en 2024, motivées par des suppressions d’emplois et une gestion des stocks jugée chaotique. La fermeture d’une usine près de Detroit a particulièrement marqué les esprits, notamment parce qu’elle a entraîné des milliers de licenciements. Cette décision a été vivement critiquée. Même si le groupe la présente comme une mesure pour réduire les coûts et gérer les surstocks.
Le syndicat United Auto Workers (UAW) a dénoncé une « gestion erratique » et un manque de considération pour la main-d’œuvre locale. En réponse, des grèves ont paralysé plusieurs sites de production, affectant directement le chiffre d’affaires de la firme. Selon les estimations, ces mouvements sociaux ont retardé la production de plusieurs milliers de véhicules, amplifiant les difficultés financières de Stellantis.
Les grèves en Italie : un cri d’alarme pour les sites historiques
En Italie, la situation n’est guère meilleure. Les usines historiques, notamment celles de Mirafiori à Turin et de Cassino, sont particulièrement touchées. En 2024, Stellantis a annoncé un plan de restructuration. Celui-ci prévoit la suppression de 3 600 emplois, représentant près de 8 % des effectifs italiens.
Cette décision a évidemment provoqué une vague de manifestations soutenues par les syndicats locaux, dont la CGIL et la CISL. Les travailleurs craignent une réduction continue des effectifs et des délocalisations vers des pays à faible coût, comme la Turquie.
Le mécontentement a été exacerbé par ce que les employés perçoivent comme une « trahison » de Stellantis. Pour rappel, le groupe s’était engagé à préserver l’emploi local. Les grèves ont entraîné des baisses de production significatives. Par exemple, à Poissy, la production a chuté de 28 %, et d’autres sites, comme celui de Sochaux, ont également enregistré des baisses notables.
Dans la vidéo suivante, un extrait de la grève qui a eu lieu en Italie :
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Carlos Tavares : quel rôle joue-t-il dans cette crise ?
Carlos Tavares, ancien PDG de Stellantis, a joué un rôle central dans la réussite initiale du groupe. Toutefois, il a aussi contribué aux tensions qui ont conduit à la crise actuelle. Arrivé à la tête de PSA en 2014, il a redressé l’entreprise grâce à des mesures audacieuses. Parmi elles, la réduction des coûts, la rationalisation des gammes et l’acquisition stratégique d’Opel en 2017. Ces succès ont conduit à la fusion entre PSA et Fiat-Chrysler en 2021. Cela a donné naissance à Stellantis, un groupe qui a affiché des marges opérationnelles record pendant plusieurs années.
Cependant, la gestion rigoureuse de Tavares a engendré des tensions. Les syndicats l’ont souvent critiqué pour sa « chasse aux coûts à tout prix ». Cette approche a fortement accru la pression sur les employés et les fournisseurs. Une ancienne déléguée syndicale a qualifié le Portugais de « psychopathe de la performance ». Elle a également souligné l’impact négatif de son style de management sur le moral des travailleurs.
En 2024, le groupe affronte un contexte économique difficile. Les ventes chutent de 27 % en Europe et de 18 % en Amérique du Nord. Les concessionnaires américains peinent à écouler des stocks. Les actionnaires reprochent donc à Tavares son manque d’anticipation face aux défis des véhicules électriques et à la gestion des stocks. Ces tensions ont culminé en décembre 2024, au point qu’il a dû démissionner de son poste. Malgré son départ controversé, Carlos Tavares reste une figure marquante qui a transformé Stellantis.
Ci-dessous, un extrait sur le départ de Carlos Tavares :
Le groupe multinational peut-il encore rebondir ?
Avec sa démission, Carlos Tavares laisse un groupe en crise. John Elkann assure l’intérim à la tête de Stellantis, mais l’absence de leadership fort fragilise le groupe. La nomination d’un nouveau PDG au premier semestre 2025 sera alors déterminante pour son avenir.
Le successeur de Tavares devra tout d’abord restaurer la confiance des investisseurs, des employés, et des clients. Cela passera par une refonte complète de la stratégie du groupe, axée sur l’innovation, la qualité, et une meilleure gestion des ressources.
La transition vers les véhicules électriques sera également cruciale. Stellantis devra investir massivement pour rattraper son retard sur ses concurrents. Des solutions hybrides et des modèles abordables pourraient aussi aider à regagner des parts de marché.
Par ailleurs, la réorganisation des processus internes et une meilleure coordination entre les différentes marques seront essentielles pour éviter les erreurs du passé. Il sera donc indispensable de reconstruire des relations sociales apaisées. En travaillant main dans la main avec les syndicats, le nouveau dirigeant pourra valoriser les employés. Cela permettra de poser les bases d’un avenir meilleur.
Bien qu’elle soit alarmante, cette crise chez Stellantis ne signe pas pour autant la fin du groupe. Avec des marques emblématiques et un potentiel d’innovation considérable, il a les atouts nécessaires pour rebondir. Cependant, cela nécessitera un leadership fort, une stratégie claire et une volonté réelle de s’adapter aux évolutions du marché. Le chemin sera difficile, mais il est encore possible de transformer cette période de turbulences en une opportunité de renaissance.